Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mardi 9 juin 2015

L’émirat du Qatar aura-t-il la peau de Florian Philippot ?




Le Qatar est un pauvre petit pays riche qui n’aime pas qu’on dise du mal de lui. C’est xénophobe. Alors le Qatar fait un procès en diffamation à Florian Philippot, vice-roi des méchants. Je dois faire partie des méchants, en tout cas, dimanche matin, sur France Inter, j’ai entendu Philippot appeler les défenseurs de la liberté à se mobiliser et je réponds présent ! Notez que je facilite la tâche des garde-chiourmes – « on la tient chef, on le savait bien, qu’elle roule pour qui vous savez ! » J’avoue : je préfère avoir raison avec le FN que tort avec le Qatar.

Je résume. Il y a six mois, on défilait en hommage à des dessinateurs assassinés pour crime de lèse-prophète. Et aujourd’hui, alors qu’un Etat étranger – pas franchement démocratique mais franchement riche, c’est diffamatoire « riche » ? – prétend interdire la critique à son encontre par voie de justice, personne ne moufte ? Pas une grande âme de gauche pour défendre la liberté de ses adversaires, pas un seul ? Pas un journaliste pour comprendre que, ce qui est en jeu, c’est sa liberté à lui ? « Le droit, ça fait partie de la démocratie, le Qatar a le droit d’attaquer s’il se sent diffamé », répètent sentencieusement les résistants d’hier, ceux qui aimaient la liberté quand ils pouvaient la défendre sur Canal +. Et le droit de dire ce qu’on pense sans passer son temps au tribunal, ça ne fait pas partie de la démocratie ?

Imaginons un instant la réaction des mêmes si Israël s’avisait de poursuivre Besancenot ou Pascal Boniface (ou des tas d’autres) pour leurs propos imbéciles et, pour le coup, clairement diffamatoires, comparant l’Etat hébreu à l’Afrique du sud de l’apartheid, voire plus si affinités ? Que diraient-ils si l’Allemagne intentait un procès à Mélenchon pour son Hareng de Bismarck, pas gentil-gentil avec notre grand allié ? Si les Etats-Unis attaquaient al-Jazira ? Ils s’étrangleraient, trépigneraient, exigeraient des sanctions, hurleraient à l’impérialisme, au racisme, au colonialisme. Et là, rien ! Un pays ami s’attaque à l’un des piliers de notre civilité – la liberté de penser – et la résistance est aux abonnés absents ! Imagine-t-on le débat public réduit à une incessante tournante judiciaire ? Peu importe, on ne peut pas avoir tort contre le FN. On ne peut pas avoir raison contre un pays musulman – ce serait raciste.

Philippot n’a pas dit que les Qataris tuaient des enfants exprès, ni qu’ils empoisonnaient les puits, ni qu’ils droguaient les femmes (comme on peut le lire dans certains journaux arabes à propos des juifs). Pas non plus, comme on a pu l’entendre sur Al-Jazira, qu’Hitler avait rendu service à l’humanité. Non, il a dit que le Qatar et l’Arabie saoudite finançaient des mouvements islamistes, ce qui est écrit partout à longueur de colonnes, y compris dans Causeur, y compris dans la presse convenable. C’est pas gentil de se moquer de la dictature des autres.

Il faut être un tordu de complotiste pour penser que, si tout le monde regarde ses souliers, c’est parce que pas mal de gens en croquent. Non, je ne suis pas du genre à croire que tout s’achète. Mais ça tombe mal, au moment où on découvre que le football, ses grandes fêtes et ses valeurs, cachent une entreprise de corruption planétaire et que, manque de bol, on dirait que le Qatar n’a pas obtenu la Coupe du monde 2022 seulement pour ses stades de compétition.

Alors, j’aimerais bien savoir où sont passés tous mes copains qui soutenaient Charlie pendant le procès des caricatures. Et tous ces gens qui disaient fièrement qu’en France, on est libre de critiquer les puissants. Quand la mosquée de Paris attaquait un journal, la démocratie était menacée, et quand une pétro-monarchie attaque un élu français, c’est le jeu normal des institutions, il faudra m’expliquer. Que ce sympathique petit pays se comporte non pas comme une puissance alliée mais comme un parti local et prenne position dans un débat national devrait au minimum appeler une mise au point de la France. Au lieu de quoi on le remercie presque pour sa contribution à la résistance contre la bête immonde. Vendredi dernier, au moment précis où on apprenait l’existence des poursuites contre Philippot, François Hollande décorait le PDG de Qatar Airways – quand on a le sens des symboles…

En haut lieu, on a dû comprendre que l’affaire était minée, car on n’en a pas fait des caisses. La plainte, qui date du 10 avril, vient seulement d’être dévoilée à la presse – en même temps qu’à l’intéressé qui est convoqué par un juge fin juin. Le Qatar a pourtant fait appel à des avocats de renom et de talent qui, en général, mènent volontiers le combat médiatique. Mais Jean-Pierre Mignard, ami très proche de François Hollande, et Francis Szpiner, qui était discrètement à la manœuvre pour le compte de Chirac pendant le procès des Caricatures, ont été d’une sobriété de rosières. Bien sûr, s’ils défendent le petit émirat injustement attaqué, c’est par conviction antiraciste. Mais sans doute auraient-ils préféré que madame le maire évite d’en rajouter sur le mode « ravie de la crèche ». Ah oui, Anne Hidalgo est très heureuse de sa collaboration avec le Qatar, ce pays qui « promeut le football féminin et lutte contre l’homophobie » (sic !). Mignard et Szpiner, ils doivent avoir envie de l’étrangler, Madame Hidalgo.

En attendant, pas un de mes copains de gauche ne défendra Florian Philippot. Tu cherches les ennuis ? Et ta carrière qui est déjà dans les choux ? On ne peut pas être partout, il faut choisir ses combats. Je croyais qu’on se battait pour des trucs universels, genre liberté-pour-tous, on a dit pour tous, Philippot, faut pas abuser. Les amis, je suis sûre qu’il y a de la bonne musique dans vos caves, mais quand on viendra vous chercher, j’aurai mis les voiles.

Valls refuse une protection rapprochée à Florian Philippot

Accorder une protection policière à Florian Philippot, qui se sent menacé suite à la plainte du Qatar à son encontre ? « Niet », a répondu le ministère de l’Intérieur. L’évaluation des risques menée par l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) « n’a pas conclu à la nécessité de mettre en place un dispositif de protection rapprochée ». Et toc.

Florian Philippot n’avait qu’à pas déblatérer sur le Qatar. Surtout, Florian Philippot n’aurait pas dû faire part publiquement de ses graves soupçons sur « une grande partie du système français, c’est-à-dire des élites “corrompues par une relation incestueuse (…) avec le Qatar et l’Arabie Saoudite” » estimant que « ces pays financent l’islamisme qui tue ». En outre, il a aggravé son cas quelques jours plus tard en affirmant l’existence de « pléthore » de « preuves », d’où les poursuites du Qatar pour… diffamation.

Et Florian Philippot de twitter que « le Qatar ne me fera pas taire. Une dictature islamiste n’a pas à dicter aux Français ce qu’ils ont le droit de dire. » On comprend l’inquiétude du vice-président du Front national vis-à-vis de sa sécurité quand la plainte provient d’un pays qui emprisonne à vie ses poètes pour délit d’opinion. Et condamne à mort les homosexuels.

Pas de protection pour Phillipot, donc. Mais, « oui, évidemment » pour Patrick Pelloux qui, depuis les attentats de janvier, bénéficie de cinq gardes du corps, dont un « statique » à faire le planton devant son domicile. Protection dont bénéficiait Charlie Hebdo depuis 2011, et qui perdure comme celle, notamment, de Riss. Pourtant, ils l’ont promis-juré, les Charlie : plus jamais ils ne s’en prendraient à Mahomet !

C’est « niet » pour Phillippot, mais « oui, avec plaisir », pour Julie Gayet, qui — après les attentats — s’est vue gratifier, elle aussi, de deux gardes du corps supplémentaires, portant leur nombre à cinq. Comme Pelloux !

Les motifs de la demande du vice-président du premier parti de France ? De la gnognote comparée à ceux qui permettent l’octroi de gardes du corps à tous les anciens présidents et Premiers ministres. Deux pour Valéry Giscard d’Estaing (depuis 34 ans), quatre pour le couple Chirac, un pour Fillon et un aussi pour… Edith Cresson ! Pour ne citer qu’eux.

De la gnognotte pour l’UCLAT mais pas pour Philippot selon lequel le ministère de l’Intérieur joue avec sa sécurité personnelle alors qu’il est très exposé, expliquant être sous le coup « d’une fatwa judiciaire de la part d’un pays tout à fait trouble, tout à fait louche ».

« On attend l’agression ? C’est ça qu’attend le ministère de l’Intérieur ? », questionne le bras droit de Marine le Pen.

Réponse de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui s’empresse de prendre la défense de l’État incriminé : elle se dit « heureuse de cette collaboration avec le Qatar » et souhaite remercier l’émirat « de soutenir des choses qui m’importaient beaucoup, je pense au foot féminin », à « la lutte contre l’homophobie, le racisme dans les stades »… « Nous travaillons main dans la main. »

La « lutte contre l’homophobie » ? Sans rire ? Une chose est sûre, Anne Hidalgo, elle, n’aura pas besoin de protection policière…

Caroline Artus